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Etat des lieux des Think Tanks en France
28 décembre 2005

Si les Think Tanks "néoreactionnaires" sont monnaie courante aux Etats-Unis, en France Think Tanks et neoreacs se differencient

Courrier international - n° 790-791 - 22 déc. 2005 L'invité CARLO GALLI - Un peu partout, les néoréacs Carlo Galli enseigne l’histoire des doctrines politiques à l’université de Bologne. Spécialiste entre autres des courants de pensée extrémistes, il est l’auteur de Genealogia della politica (Il Mulino, 1996). Une nouvelle famille de penseurs politiques emmerge : celle des “néoréactionnaires”. Pour en comprendre les finalités et les stratégies, il faut admettre que la politique, depuis la seconde moitié du XXe siècle, se caractérise en Occident par le conflit entre démocratie libérale et social-démocratie, c’est–à-dire entre une gauche et une droite qui sont en réalité des réformismes d’espèce différente mais de même nature. Ces deux réformismes rivaux se réfèrent au même courant rationaliste hérité des Lumières et reconnaissent que la politique ne peut que se positionner sur le terrain des droits et osciller entre la valorisation de la liberté individuelle et de la justice sociale. Le néocontractualisme de John Rawls, le néolibertarisme de Robert Nozick, la théorie des droits de Ronald Dworkin, l’agir communicationnel de Jürgen Habermas et même le néolibéralisme de Friedrich von Hayek sont les points forts du style philosophique moderne. La réflexion sur la politique a élaboré le politiquement correct, et aussi le tabou, l’impensé et l’impensable : c’est dans la logique même des cultures politiques dominantes. Il existe donc aussi la possibilité de soustraire la réflexion philosophico-politique à l’hypothèque libérale et sociale-démocrate. Cette transgression – alimentée par les nouvelles configurations du monde après 1989 et le 11 septembre 2001 – peut être définie comme néoréactionnaire, non pas tant parce qu’elle est de droite au sens classique du terme, mais parce qu’elle réagit au sens philosophique commun en cherchant la provocation, en élaborant des arguments non alignés et en interprétant l’époque actuelle de façon alternative. Un grand nombre d’intellectuels raisonnent avec la conviction que la pensée doit valoriser les conditions idéales, symboliques, culturelles et religieuses qui donnent un sens et des perspectives existentielles aux individus et aux communautés. La politique n’est pas une affaire de calculs rationnels, ni même de droits affirmés dans l’abstrait, mais d’identités individuelles et collectives concrètes. Tout cela implique de fortes différences d’approche de la réalité. Si la banlieue parisienne brûle, un libéral ou un social-démocrate incrimineront la pauvreté dans laquelle s’enlisent les jeunes de banlieue, et ils ne divergeront que sur les remèdes à appliquer. Un conservateur vieux style réduira l’affaire à une question d’ordre public, un républicain dira que le projet pédagogique d’assimilation laïque de l’Etat français a échoué et essaiera de voir quelles réformes pourraient convenir. En revanche, un néoréactionnaire désorientera son public – comme l’a fait Alain Finkielkraut – en soutenant que la cause du conflit réside dans l’identité musulmane des révoltés, déclinée d’une manière incompatible avec le système de valeurs du pays occidental dans lequel ils vivent. Ceux qui privilégient le niveau symbolique, identitaire, culturel de la politique et pratiquent donc une philosophie dramatique, conflictuelle, forment un ensemble complexe. Aux Etats-Unis, la pensée d’un critique de la modernité et de son rationalisme comme Leo Strauss inspire le courant néoconservateur. Mais la priorité accordée au niveau symbolico-identitaire ne génère pas seulement des positions néoréactionnaires. Elle a aussi nourri une grande partie de la pensée féministe et a produit en France à la fois les positions philo-occidentales d’un vieux nouveau philosophe comme André Glucksmann, les âpres critiques contre les Etats-Unis d’un Alain de Benoist et la réaction aux modes écologistes d’un Luc Ferry. De la même manière, en Italie, dans le sillage américain, nous avons des “athées dévots” comme Giuliano Ferrara, Marcello Pera, Oriana Fallaci – des laïcs qui reconnaissent que la raison moderne est fondée sur des valeurs étroitement apparentées au christianisme et qui cherchent dans l’Eglise catholique un renforcement de l’identité occidentale. Et, en Allemagne, la critique du rationalisme version Habermas au nom du symbolique vient d’auteurs comme Slavoj Zizeck et Peter Sloterdijk. Les néoréactionnaires sont donc l’une des patrouilles, dynamique mais pas monolithique, d’une armée composite qui, en ces temps nouveaux de l’ère globale, s’installe dans un espace intellectuel tout aussi nouveau – un espace et un temps qui, qu’on le veuille ou non, sont désormais les nôtres. Carlo Galli La Repubblica http://www.courrierinternational.com
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